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Quai Docteur Girard - 38520 Le Bourg d'Oisans, Alpes du Dauphiné - Isère, France

mardi 26 mai 2009

Au matin naissant, nous quittons le campement et j'apprends à marcher dans la caillasse avec des tongs. Une longue journée à errer sur un plateau sans fin. Nos regards accrochent les pierres, bien au-delà de l'horizon. La même enjambée, souple, silencieuse, pour progresser dans le rien. De temps à autre, un mouvement de tête pour englober l'immensité, et de nouveau, les corps reprennent naturellement possession des éléments. Le plateau est vide de vie.
Des pierres brunes et noires à perte de vue sur lesquelles les pieds trébuchent parfois, quand les yeux se détachent pour un bref instant de leur trajectoire. Des débris sombres qui noient le regard dans la réverbération crue du soleil. Je vais, pensée éteinte.

Et soudain, un océan de dunes, ocre et or sous mes pieds. Un océan de lumière dans le soleil couchant. Je m'arrête, muette d'admiration. Je suis fascinée. Lella et Nasser me regardent. Ils m'offrent leur désert. Ils chantent; c'est féérique.
Nous nous engloutissons dans ces dunes, follement heureux.
Multiples dunes pour bercer notre amitié.
Nous escaladons ces poussières d'or … Je suis pieds nus; je sens le sable chaud, je sens la liberté, je sens la vie.
Je veux m'unir encore davantage au désert.
Ils sont désert.
Beauté irréelle. Pépites de lumière.
Nos yeux rient, nos yeux parlent, nos yeux vivent.

Ici, j'aime la lumière-soleil, et l'horizon et le sable.
Je veux être nomade pour ne courir que sur la liberté.
Aimer pour être libre. Le désert est mon attache. J'aime sa tendresse dépouillée.
Plus de repères, plus de limites, mes amis et moi suspendus aux courbes de l'infini.
Leur force paisible, leurs yeux rieurs, et leur beauté qui se marie à l'or des dunes.
Nous nous noyons dans le sable. Ils m'offrent le monde.
Comme des enfants, nous nous amusons à grimper et dévaler ces dunes dans lesquelles nous nous enfonçons jusqu'aux genoux.
Dans les filaments du soir, nous capturons la sensualité sauvage du désert et l'emprisonnons en nous.
Essoufflés de courir et de rire, nous nous taisons pour mieux boire le dépouillement et nous entendre.
Nous gravissons une autre dune, une autre crête …
Nous les parcourons l'une après l'autre, plongeant nos corps dans cet infini trésor, et dans l'infinie sérénité du désert.
Nous suivons la courbe du soleil mourant à l'horizon.
Nous avançons vers le crépuscule.
Nos pas attendent la nuit.
Soirée silence où nos cœurs se rejoignent au-delà des mots. Nous nous nourrissons de ces moments vécus avec force et les langues de feu sont autant de dunes qui se reflètent dans les yeux.
La nuit est douce.
Des mains qui prient et des doigts qui emprisonnent les étoiles.
Des regards qui caressent l'obscurité en quête d'émotions.
Prolonger la nuit dans le firmament des attentes; rêver d'impossible et fermer les yeux sur la nuit qui se meurt.

Le désert fait fuir la peur. Fragile, le désert me possède.
Bouche-mienne; empreinte dans le sable. Je suis amoureuse du désert.
Fragile, le désert me fait sienne.
Je m'endors près de moi; je m'endors au creux du désert.

Le vent balaie chaque pas. Je me retourne : il n'y a plus rien. Je n'existe plus dans le passé. Je n'existe que dans l'instant.
Nasser, Lella … mots muets. Ils lisent en moi. Je vis grâce à eux.
Ils savent le désert, le pouvoir du désert. Ils sont désert.
Amis-confiance. Je les suis aveuglément.