Yeux lourds de sommeil. Magie des petits matins. La nuit est décapitée. La nuit fut froide et ventée. Je veux rester blottie en moi.
Le thé est servi.
Lella sourit; je veux me lever.
Aujourd'hui comme hier, et pourtant si différend. Le désert me modèle. Il me fait humble, silence. Il me fait sale au dehors mais propre à l'intérieur. Il me tanne la peau et pétrit le cœur. Il me couvre de poussière mais dénude l'âme. Il me fait prisonnière mais me rend la liberté. Il obscurcit les yeux mais éclaire l'intime.
Lella sourit; il m'attend.
J'existe dans son regard; ça fait du bien. Je vais vers lui pour le simple bonjour du matin. Je fais confiance au jour qui se lève, au désert, à mes amis.
Notre caravane se met en marche. Combien de pas depuis mon départ ? Combien de temps entre l'au-revoir et ce jour ?
Une autre journée à tenter de rejoindre un point, une halte pour nous reposer. Une autre journée égrenée au fil de l'attente, de rien, sans pensée, sans but.
Savoir et tout quitter. Je pars à la conquête de tant de chimères.
Je puise dans le désert la certitude de ma démarche. Il m'entraîne si loin.
Nous cherchons un puits. Dans le premier, l'eau stagne tout au fond et nous n'avons pas de corde suffisamment longue pour y accéder. Ils décident de continuer : un autre puits existe, pas très loin. Nous marchons deux heures avant de l'atteindre. Les nomades viennent remplir leurs outres portées par les ânes. Tandis que les uns tirent de l'eau, les autres font un peu de lessive et les enfants jouent avec des boules formées de sable et d'eau. Je partage leurs jeux et ils rient de me voir malhabile avec leur jouet improvisé. Ils me font de grands signes d'adieu longtemps après notre départ.
Autour des puits, c'est un village qui se reconstitue le temps d'échanger les nouvelles, de revoir les amis, et de s'entraider. Puiser l'eau est une tâche fatigante et tout le monde participe.
Les chameaux boivent longuement tandis que les hommes se relaient pour hisser l'eau et la déverser dans les jerricanes ou les outres. Les femmes et les enfants amarrent celles-ci sur le dos des ânes avant de repartir vers leur tente, en chantant et en riant.
Assise sur une pierre, je contemple cette vie simple, tranquille, à laquelle je suis venue m'abreuver.
Le feu du soir m'enveloppe. Les yeux de mes amis m'emprisonnent. J'ai la certitude d'être désert.
Je m'allonge, face aux étoiles. La voix de Lella s'élève, douce et sensuelle pour chanter le désert.
Il sait ma tête vide, la démesure du désert. Il me voit avec le regard du désert. Mes vêtements sont sans forme. Le néant est en moi; absence de moi. Je n'ai que la force de m'accorder avec moi-même. Le désert offre et donne au-delà des gestes, au-delà des mots. Le désert fait corps avec l'intime.
Corps fatigué de trop de pas; cœur fatigué de trop aimer. Je m'endors enfin, le désert veillant sur ma nuit.
Mon cœur bat la liberté. Combien de kilomètres aujourd'hui ? Vingt-cinq ? Trente ? Jusqu'au bout du jour, nous avançons. Nous cheminons côte à côte, solitaires dans notre silence. Nous nous devinons. Ils prennent soin de moi pour que jamais je n'oublie le désert. Je prends soin d'eux. Mes perceptions s'aiguisent, le désert à fleur de peau.
Nudité totale; je vis par le désert.
Le thé est servi.
Lella sourit; je veux me lever.
Aujourd'hui comme hier, et pourtant si différend. Le désert me modèle. Il me fait humble, silence. Il me fait sale au dehors mais propre à l'intérieur. Il me tanne la peau et pétrit le cœur. Il me couvre de poussière mais dénude l'âme. Il me fait prisonnière mais me rend la liberté. Il obscurcit les yeux mais éclaire l'intime.
Lella sourit; il m'attend.
J'existe dans son regard; ça fait du bien. Je vais vers lui pour le simple bonjour du matin. Je fais confiance au jour qui se lève, au désert, à mes amis.
Notre caravane se met en marche. Combien de pas depuis mon départ ? Combien de temps entre l'au-revoir et ce jour ?
Une autre journée à tenter de rejoindre un point, une halte pour nous reposer. Une autre journée égrenée au fil de l'attente, de rien, sans pensée, sans but.
Savoir et tout quitter. Je pars à la conquête de tant de chimères.
Je puise dans le désert la certitude de ma démarche. Il m'entraîne si loin.
Nous cherchons un puits. Dans le premier, l'eau stagne tout au fond et nous n'avons pas de corde suffisamment longue pour y accéder. Ils décident de continuer : un autre puits existe, pas très loin. Nous marchons deux heures avant de l'atteindre. Les nomades viennent remplir leurs outres portées par les ânes. Tandis que les uns tirent de l'eau, les autres font un peu de lessive et les enfants jouent avec des boules formées de sable et d'eau. Je partage leurs jeux et ils rient de me voir malhabile avec leur jouet improvisé. Ils me font de grands signes d'adieu longtemps après notre départ.
Autour des puits, c'est un village qui se reconstitue le temps d'échanger les nouvelles, de revoir les amis, et de s'entraider. Puiser l'eau est une tâche fatigante et tout le monde participe.
Les chameaux boivent longuement tandis que les hommes se relaient pour hisser l'eau et la déverser dans les jerricanes ou les outres. Les femmes et les enfants amarrent celles-ci sur le dos des ânes avant de repartir vers leur tente, en chantant et en riant.
Assise sur une pierre, je contemple cette vie simple, tranquille, à laquelle je suis venue m'abreuver.
Le feu du soir m'enveloppe. Les yeux de mes amis m'emprisonnent. J'ai la certitude d'être désert.
Je m'allonge, face aux étoiles. La voix de Lella s'élève, douce et sensuelle pour chanter le désert.
Il sait ma tête vide, la démesure du désert. Il me voit avec le regard du désert. Mes vêtements sont sans forme. Le néant est en moi; absence de moi. Je n'ai que la force de m'accorder avec moi-même. Le désert offre et donne au-delà des gestes, au-delà des mots. Le désert fait corps avec l'intime.
Corps fatigué de trop de pas; cœur fatigué de trop aimer. Je m'endors enfin, le désert veillant sur ma nuit.
Mon cœur bat la liberté. Combien de kilomètres aujourd'hui ? Vingt-cinq ? Trente ? Jusqu'au bout du jour, nous avançons. Nous cheminons côte à côte, solitaires dans notre silence. Nous nous devinons. Ils prennent soin de moi pour que jamais je n'oublie le désert. Je prends soin d'eux. Mes perceptions s'aiguisent, le désert à fleur de peau.
Nudité totale; je vis par le désert.
Mon corps a la couleur du désert; elle me va bien.
Mon corps a le rythme du désert. Pas à pas, j'avance au travers de lui seul. Doucement, je me dépouille. Mon regard fixe l'horizon où s'inscrit mon devenir. Mais il ne sait plus lire. Il n'est que sable. Il coule entre mes doigts. Il est ma réponse.
Je n'ai plus rien. J'ai tout quitté pour mordre au désert. J'ai tout laissé dans le désert. Le désert possède l'être. Je voudrais m'asseoir pour agencer mes pensées. Mais le désert veut que j'aille jusqu'au bout de moi-même.
Les yeux me font mal. Les ongles sont sales de cendre et de poussières. Les membres sont engourdis, les pieds meurtris, la peau desséchée.
Mais les pas sont liberté.
Aux lèvres perle de l'impalpable, je me nourris.
Dans la lumière, je vais. Dans l'éventail d'or, je vais.
Silhouette silencieuse gravissant dunes et plateaux; ombre marchant au milieu des pierres et des dunes.
Point minuscule dans le sable; fusion dans la tête … je fuis entre mes mains.
Onde de dunes sans espace, voyage éternité.
Magie des lieux qui pousse à l'oubli.
Âme vagabonde, arrête-toi. Parcelle de feu soleil, tu me consumes.
Le désert me possède, le silence du désert me brise.
Chèche accroché au vent, je suis femme de l'immensité.
Yeux sous le chèche, regard perdu.
Je vais, le chèche me protégeant de mon histoire.
Horizon sans fin, solitude totale.Je suis prisonnière de l'infini
Mon corps a le rythme du désert. Pas à pas, j'avance au travers de lui seul. Doucement, je me dépouille. Mon regard fixe l'horizon où s'inscrit mon devenir. Mais il ne sait plus lire. Il n'est que sable. Il coule entre mes doigts. Il est ma réponse.
Je n'ai plus rien. J'ai tout quitté pour mordre au désert. J'ai tout laissé dans le désert. Le désert possède l'être. Je voudrais m'asseoir pour agencer mes pensées. Mais le désert veut que j'aille jusqu'au bout de moi-même.
Les yeux me font mal. Les ongles sont sales de cendre et de poussières. Les membres sont engourdis, les pieds meurtris, la peau desséchée.
Mais les pas sont liberté.
Aux lèvres perle de l'impalpable, je me nourris.
Dans la lumière, je vais. Dans l'éventail d'or, je vais.
Silhouette silencieuse gravissant dunes et plateaux; ombre marchant au milieu des pierres et des dunes.
Point minuscule dans le sable; fusion dans la tête … je fuis entre mes mains.
Onde de dunes sans espace, voyage éternité.
Magie des lieux qui pousse à l'oubli.
Âme vagabonde, arrête-toi. Parcelle de feu soleil, tu me consumes.
Le désert me possède, le silence du désert me brise.
Chèche accroché au vent, je suis femme de l'immensité.
Yeux sous le chèche, regard perdu.
Je vais, le chèche me protégeant de mon histoire.
Horizon sans fin, solitude totale.Je suis prisonnière de l'infini