Femme du désert … femme d’un ailleurs …
Egarée dans l’immensité, je suis femme à la conquête de la liberté. Jour après jour, à l’écoute du sable, je suis femme amoureuse d’infini pour qui l’oubli d’hier est symbole de lumière. Nuit après nuit, je suis femme en quête de mirages, perdue dans un océan sauvage où les feux du ciel sont étincelles dans l’univers.
Femme, seulement femme dont le nom s’évanouit dans les sables-poussières. Je suis pleinement femme, sans identité, mais tellement moi. Je donne au vent, au soleil, aux étoiles, les cinq lettres de « Marie » pour qu’elle s’endorme à jamais dans les bras des dunes.
Lella entonne le chant des nomades, avec force, avec foi, pour mes épousailles avec le désert. Je frissonne au son de la voix puissante qui résonne à l’infini. Mon chèche est voile tandis que mes yeux ne voient plus le désert. Ils sont désert. Ils accompagnent, par delà les sables, l’écho de ce chant profond et sensuel. Les notes s’élèvent, vibrantes et pleines et vont mourir dans les cieux étoilés. Ce chant m’est dédié dans le grand silence saharien, pour que chaque son soit l’empreinte de mes pas dans le néant, pour que mon corps brûle toujours des mêmes désirs sur les chemins du rien, pour qu’enfin ce chant ancestral des nomades que j’entends pour la première fois soit à jamais en moi comme le cadeau de bienvenue au milieu des siens.
Ce chant m’étreint, poussière de musique dans les millions de poussières qui nous entourent, mes mains ouvertes autour du feu, imprégnée de la magie du désert qui ose pousser les limites de la paix intérieure aux portes d’un chant grave et serein. Il ne s’éteindra plus jamais en moi, et je reste là, immobile, silence parmi le silence, me noyant dans le désert. Son chant meurt sur la plainte du vent, et Lella, doucement, murmure : « Zeine Hata » … Tout bascule en moi. Je veux me noyer encore et encore dans la musique du désert, celle qui ensorcelle pour mieux m’enfanter. Je palpite dans le sombre des yeux qui me lie à la sensualité sauvage d’un désert-amant. Et pourtant, je ne bouge pas, incapable du moindre mouvement, toute entière à l’écoute d’un corps qui aime passionnément chaque miette d’un temps qui n’existe plus depuis longtemps, d’un corps qui caresse chaque grain de sable, d’un corps à l’unisson d’un plaisir sans nom qui me laisse ivre d’émotion et libre, tellement libre …
Enfin, j’entends les lèvres muettes des chameliers qui prient.
Enfin, il me faut quitter ces terres vierges, vertigineuses de plaisir pour renouer avec moi.
Je m’allonge face au ciel, yeux fermés, dépossédée de moi, vide de moi. Je me laisse dériver dans le néant des pensées ; je veux seulement chavirer sur la houle de la tendresse pour cicatriser les blessures d’un plaisir infini, celui qui laisse pantelante de trop désirer. Le désert me fait l’amour si souvent, et je fais depuis si longtemps l’amour avec lui. Il repousse toujours plus loin mes attentes et mes exigences. Un amant aux couleurs d’un infini doré et lumineux qui éclaire mon âme de tant de feux et de tant de dons …
Le silence de la nuit m’engloutit avant de sombrer dans un sommeil sans rêve.
... Femme d’un jour, d’une nuit et de tant de jours et de tant de nuits …
Femme nomade d’un désert qui emprisonne plus fort que les serres.
Femme errance d’un horizon qui enferme plus fort que la prison.
Femme passion d’un désert qui brûle plus fort que les tisons.
Femme existence d’un toujours qui se désire plus fort que l’amour.
Femme sauvage d’un infini qui se donne plus fort que la vie.
Femme du désert ; femme de l’intemporalité ; femme d’un ailleurs.
Femme … elle …
Les nuits ont été étincelles pour une femme qui se voulait elle.
Les nuits ont été dérive pour une femme qui désirait vivre.
Les nuits ont été sérénité pour une femme qui cherchait la vérité.
Les nuits ont été abandon pour une femme qui voulait la passion.
Les nuits ont été reflets pour une femme qui espérait la paix.
A l’aube d’elle, elle a marié la démesure et le rêve à l’aurore de l’autre.
Pas après pas, elle a appris le désert près de celui qui savait conter les mystères.
Elle a su se mêler à l’infini sauvage près de celui qui savait déchiffrer les nuages.
Elle a écouté l’appel des sables près de celui qui savait entendre l’impalpable.
Elle a prié dans l’obscurité des cieux près de celui qui parlait à Dieu.
Elle a fermé les yeux près de celui qui chantait le merveilleux.
Elle a confié sa vie à celui qui veillait sur ses nuits.
Ella a vu l’aura du désert près de celui qui rayonnait de lumière.
Elle a marché longuement près de celui qui était désert.
Elle … moi … tellement elle, tellement moi …
Mon histoire est là, simple de passion dévorante et d’amour infini. Je l’ai construite, pas après pas, pour me libérer et aimer sans limites. J’ai bâti ma Légende au creux d’un désert dont les poussières d’or s’envolent quand le vent chante l’immensité de l’Amour.
Quand je suis loin des sables, il me suffit de fermer les yeux pour me noyer dans l’infinitude d’un regard, d’un chant ou d’un silence, pour que je sois nomade, totalement nomade et seulement nomade.