Femme du désert … femme d’un ailleurs …
Egarée dans l’immensité, je suis femme à la conquête de la liberté. Jour après jour, à l’écoute du sable, je suis femme amoureuse d’infini pour qui l’oubli d’hier est symbole de lumière. Nuit après nuit, je suis femme en quête de mirages, perdue dans un océan sauvage où les feux du ciel sont étincelles dans l’univers.
Femme, seulement femme dont le nom s’évanouit dans les sables-poussières. Je suis pleinement femme, sans identité, mais tellement moi. Je donne au vent, au soleil, aux étoiles, les cinq lettres de « Marie » pour qu’elle s’endorme à jamais dans les bras des dunes.
Lella entonne le chant des nomades, avec force, avec foi, pour mes épousailles avec le désert. Je frissonne au son de la voix puissante qui résonne à l’infini. Mon chèche est voile tandis que mes yeux ne voient plus le désert. Ils sont désert. Ils accompagnent, par delà les sables, l’écho de ce chant profond et sensuel. Les notes s’élèvent, vibrantes et pleines et vont mourir dans les cieux étoilés. Ce chant m’est dédié dans le grand silence saharien, pour que chaque son soit l’empreinte de mes pas dans le néant, pour que mon corps brûle toujours des mêmes désirs sur les chemins du rien, pour qu’enfin ce chant ancestral des nomades que j’entends pour la première fois soit à jamais en moi comme le cadeau de bienvenue au milieu des siens.
Ce chant m’étreint, poussière de musique dans les millions de poussières qui nous entourent, mes mains ouvertes autour du feu, imprégnée de la magie du désert qui ose pousser les limites de la paix intérieure aux portes d’un chant grave et serein. Il ne s’éteindra plus jamais en moi, et je reste là, immobile, silence parmi le silence, me noyant dans le désert. Son chant meurt sur la plainte du vent, et Lella, doucement, murmure : « Zeine Hata » … Tout bascule en moi. Je veux me noyer encore et encore dans la musique du désert, celle qui ensorcelle pour mieux m’enfanter. Je palpite dans le sombre des yeux qui me lie à la sensualité sauvage d’un désert-amant. Et pourtant, je ne bouge pas, incapable du moindre mouvement, toute entière à l’écoute d’un corps qui aime passionnément chaque miette d’un temps qui n’existe plus depuis longtemps, d’un corps qui caresse chaque grain de sable, d’un corps à l’unisson d’un plaisir sans nom qui me laisse ivre d’émotion et libre, tellement libre …
Enfin, j’entends les lèvres muettes des chameliers qui prient.
Enfin, il me faut quitter ces terres vierges, vertigineuses de plaisir pour renouer avec moi.
Je m’allonge face au ciel, yeux fermés, dépossédée de moi, vide de moi. Je me laisse dériver dans le néant des pensées ; je veux seulement chavirer sur la houle de la tendresse pour cicatriser les blessures d’un plaisir infini, celui qui laisse pantelante de trop désirer. Le désert me fait l’amour si souvent, et je fais depuis si longtemps l’amour avec lui. Il repousse toujours plus loin mes attentes et mes exigences. Un amant aux couleurs d’un infini doré et lumineux qui éclaire mon âme de tant de feux et de tant de dons …
Le silence de la nuit m’engloutit avant de sombrer dans un sommeil sans rêve.
... Femme d’un jour, d’une nuit et de tant de jours et de tant de nuits …
Femme nomade d’un désert qui emprisonne plus fort que les serres.
Femme errance d’un horizon qui enferme plus fort que la prison.
Femme passion d’un désert qui brûle plus fort que les tisons.
Femme existence d’un toujours qui se désire plus fort que l’amour.
Femme sauvage d’un infini qui se donne plus fort que la vie.
Femme du désert ; femme de l’intemporalité ; femme d’un ailleurs.
Femme … elle …
Les nuits ont été étincelles pour une femme qui se voulait elle.
Les nuits ont été dérive pour une femme qui désirait vivre.
Les nuits ont été sérénité pour une femme qui cherchait la vérité.
Les nuits ont été abandon pour une femme qui voulait la passion.
Les nuits ont été reflets pour une femme qui espérait la paix.
A l’aube d’elle, elle a marié la démesure et le rêve à l’aurore de l’autre.
Pas après pas, elle a appris le désert près de celui qui savait conter les mystères.
Elle a su se mêler à l’infini sauvage près de celui qui savait déchiffrer les nuages.
Elle a écouté l’appel des sables près de celui qui savait entendre l’impalpable.
Elle a prié dans l’obscurité des cieux près de celui qui parlait à Dieu.
Elle a fermé les yeux près de celui qui chantait le merveilleux.
Elle a confié sa vie à celui qui veillait sur ses nuits.
Ella a vu l’aura du désert près de celui qui rayonnait de lumière.
Elle a marché longuement près de celui qui était désert.
Elle … moi … tellement elle, tellement moi …
Mon histoire est là, simple de passion dévorante et d’amour infini. Je l’ai construite, pas après pas, pour me libérer et aimer sans limites. J’ai bâti ma Légende au creux d’un désert dont les poussières d’or s’envolent quand le vent chante l’immensité de l’Amour.
Quand je suis loin des sables, il me suffit de fermer les yeux pour me noyer dans l’infinitude d’un regard, d’un chant ou d’un silence, pour que je sois nomade, totalement nomade et seulement nomade.
samedi 22 août 2009
mardi 4 août 2009
Au fil des dunes et des crépuscules pourpres, je ne transporte que ma carcasse libérée de tout carcan et il est bon de se savoir désenchaînée et forte d’un autre devenir. La vie me transperce de toutes parts, sans un instant de répit, sans cesse en défi avec moi-même. Une vertigineuse énergie me bouffe et me subjugue. J’avance dans l’unicité de mon être reconstruit, remodelé et reconsolidé.
Chaque bivouac est une ode au jour qui se meurt et chaque bivouac est un pas accompli vers ma destinée. La Vallée Blanche se creuse des sillons des oasis ou des palmeraies pour offrir quelques heures plus tard le paysage des dunes épousant les montagnes.
A califourchon sur ma vie, j’esquisse des dessins oniriques aux couleurs chaudes et tendres, des teintes fugaces ou ensorcelantes qui se prennent aux pièges des voiles sahariens. L’alchimie du désert fait exploser des éclats de pureté et de profondeur.
La lune me fait un clin d’œil, halo laiteux avant de disparaître dans l’incommensurable. Complice de ma destinée puisque je lui parle chaque soir, elle m’accompagne dans mes dérives qui se perdent dans les contours de la nuit. Je refuse le sommeil pour bavarder avec le silence. Je refuse de dormir pour mieux vivre. Tout est jouissance dans l’immobilité du corps, dans le bouillonnement des pensées et dans le gigantisme des sensations. Je plonge dans le dépaysement de ma vie, et je bois goulûment aux rêves qui me sont offerts. Dans le fantastique de la nuit, les mythes dansent au cœur de ma vie et m’entraînent sur les chemins de nulle part. Aucun désir de me désenvoûter des sortilèges du désert ; je suis trop bien dans les bras de la passion, sur les berges idylliques d’un désert qui me possède. Le vertige de la nuit m’étreint sur le chant intarissable de la contemplation. Là, dans les entrailles de ma vie, je vole vers les immensités inviolées qui me sont offertes comme le plus merveilleux des cadeaux. Comme un fruit pulpeux dont la chair serait pleine et tendre, je me laisse dévorer doucement jusqu’au petit matin. Les lèvres de la nuit me caressent pour m’emporter dans les songes les plus fous. Le voile de la conscience se déchire alors et comme un diamant brut, mon corps se laisse polir, façonner par les mains mystérieuses et satinées de la nuit. Je ne compte plus les lambeaux de ce qui fut moi, abandonnés au fil des pas, pas plus que les morceaux de mon âme éparpillés au gré du vent. L’aurore me trouve blottie dans un écrin de douceur infinie, affamée d’un autre jour, d’un autre moi-même.
Au fil du temps, mon baluchon se fait léger comme l’air que je respire à pleins poumons. Il s’est délesté du poids du passé. Je vagabonde allégrement sur le présent de ma vie. Je n’attends rien et ne veux rien, rien que cette magie d’être « une ». Je me retrouve unifiée, au milieu d’un désert qui ne ment pas.
Voyageur sans limites ni attaches, je me mêle aux paysages, décryptant chaque jour les messages des sables brûlants et des mirages. Je ne veux que le silence pour unique danse. Jour après jour, je calfeutre mon âme dans un écrin de solitude totale et me perds dans la toile des errements quand la nuit surprend le campement. Sur les dérives de ma foi, mes pas ne sont que poursuite pour palper les non-dits écrits dans les poussières opuscules. Les braises éclairent mes attentes, inscrites sur les pierres brunes, comme autant de mots pour balayer ma fuite.
Dans cet erg immense, je me nourris du plein silence et des regards intenses, du vent déchaîné et des pas mêlés, des brûlures du soleil et du froid des veilles. Je longe les crêtes, balayées par les vents, les gravis pour dominer le monde et me surpasser. Je vais vers ce rien qui se dessine comme une ligne invisible dans les tourbillons blancs du chant des dunes. Et dans le calme du désert, je mords la poussière, bras grands ouverts pour accueillir la terre.
Chaque bivouac est une ode au jour qui se meurt et chaque bivouac est un pas accompli vers ma destinée. La Vallée Blanche se creuse des sillons des oasis ou des palmeraies pour offrir quelques heures plus tard le paysage des dunes épousant les montagnes.
A califourchon sur ma vie, j’esquisse des dessins oniriques aux couleurs chaudes et tendres, des teintes fugaces ou ensorcelantes qui se prennent aux pièges des voiles sahariens. L’alchimie du désert fait exploser des éclats de pureté et de profondeur.
La lune me fait un clin d’œil, halo laiteux avant de disparaître dans l’incommensurable. Complice de ma destinée puisque je lui parle chaque soir, elle m’accompagne dans mes dérives qui se perdent dans les contours de la nuit. Je refuse le sommeil pour bavarder avec le silence. Je refuse de dormir pour mieux vivre. Tout est jouissance dans l’immobilité du corps, dans le bouillonnement des pensées et dans le gigantisme des sensations. Je plonge dans le dépaysement de ma vie, et je bois goulûment aux rêves qui me sont offerts. Dans le fantastique de la nuit, les mythes dansent au cœur de ma vie et m’entraînent sur les chemins de nulle part. Aucun désir de me désenvoûter des sortilèges du désert ; je suis trop bien dans les bras de la passion, sur les berges idylliques d’un désert qui me possède. Le vertige de la nuit m’étreint sur le chant intarissable de la contemplation. Là, dans les entrailles de ma vie, je vole vers les immensités inviolées qui me sont offertes comme le plus merveilleux des cadeaux. Comme un fruit pulpeux dont la chair serait pleine et tendre, je me laisse dévorer doucement jusqu’au petit matin. Les lèvres de la nuit me caressent pour m’emporter dans les songes les plus fous. Le voile de la conscience se déchire alors et comme un diamant brut, mon corps se laisse polir, façonner par les mains mystérieuses et satinées de la nuit. Je ne compte plus les lambeaux de ce qui fut moi, abandonnés au fil des pas, pas plus que les morceaux de mon âme éparpillés au gré du vent. L’aurore me trouve blottie dans un écrin de douceur infinie, affamée d’un autre jour, d’un autre moi-même.
Au fil du temps, mon baluchon se fait léger comme l’air que je respire à pleins poumons. Il s’est délesté du poids du passé. Je vagabonde allégrement sur le présent de ma vie. Je n’attends rien et ne veux rien, rien que cette magie d’être « une ». Je me retrouve unifiée, au milieu d’un désert qui ne ment pas.
Voyageur sans limites ni attaches, je me mêle aux paysages, décryptant chaque jour les messages des sables brûlants et des mirages. Je ne veux que le silence pour unique danse. Jour après jour, je calfeutre mon âme dans un écrin de solitude totale et me perds dans la toile des errements quand la nuit surprend le campement. Sur les dérives de ma foi, mes pas ne sont que poursuite pour palper les non-dits écrits dans les poussières opuscules. Les braises éclairent mes attentes, inscrites sur les pierres brunes, comme autant de mots pour balayer ma fuite.
Dans cet erg immense, je me nourris du plein silence et des regards intenses, du vent déchaîné et des pas mêlés, des brûlures du soleil et du froid des veilles. Je longe les crêtes, balayées par les vents, les gravis pour dominer le monde et me surpasser. Je vais vers ce rien qui se dessine comme une ligne invisible dans les tourbillons blancs du chant des dunes. Et dans le calme du désert, je mords la poussière, bras grands ouverts pour accueillir la terre.
lundi 3 août 2009
Je n’ai aucune peur du désert, ni aucune peur de ma vie, de l’échéance d’une vie. Je n’ai aucune peur des brumes balayant les décombres de mon passé. Je n’ai aucune peur du poids du silence sur le manuscrit de ma vie. Je n’ai aucune peur du lendemain, de ce jour d’après la nuit qui engendre les réveils pleins de promesses … le réveil du désert plein de vie contenue, de vie que l’on sent sourdre de la terre, de cette terre stérile en apparence et pourtant riche de mon devenir, de ce bouillonnement de vie dans chaque grain de sable qui ponce l’être humain jusqu’au noyau. Le livre de ma vie ne parle d’aucune peur que pourrait engendrer la solitude du désert. Aucune peur face à moi-même, face à la vie, face à la mort. Jaillissement extraordinaire de sève jusque dans les prémices d’un inéluctable départ. Le désert épouse la vie, comprend la mort pour mieux aimer la vie. Non, aucune peur de l’abandon de la vie puisque le désert me montre le chemin de la vraie liberté dont je saisis le sens profond en me nourrissant de sable et de vent.
… Des lendemains comme aujourd’hui ou comme hier dans la fugacité de l’éternité …
Je nourris le brasier de ma vie aux feux de la solitude et de l’abandon. J’aimerais que le désert m’initie à tous ses secrets. Alors je suis sans complaisance avec moi-même ; je me dépouille de tout pour tenter de comprendre.
Parcours sans cesse initiatique qui érode un peu plus l’écorce de ma vie, que je gratte pour en extraire le suc. Je marche, étreignant la prière de la vie sur l’autel du désert.
Comme un alléluia face à l’horizontalité, je me meurs à chaque pas pour renaître à cette autre vie, pour me déshabituer de toutes ces années d’à-peu-près que je transporte malgré moi, pour réapprendre à vivre … s’il en est encore temps.
La Vallée Blanche est une procession d’oasis immergées au cœur des dunes. Quand la fatigue se fait sentir, l’or des sables me murmure les contes de ce grand Sahara qui n’en finit pas de ressusciter. Et comme par miracle, des ondes d’énergie m’envahissent pour me faire avancer, encore et toujours. Quand les efforts sont récompensés par la paix des bivouacs et l’histoire du ciel étoilé, ma vie devient transparente et limpide comme l’eau. Mon habit se détache et l’arbre de vie se dessine alors au cœur de ma nudité, tronc s’élançant sans ramification, tourné vers l’Essentiel, ayant rejeté les faux-semblants. Ca fait mal de se desquamer, d’apprendre à désaimer ce qui n’est pas important, de s’abandonner à une autre dimension pour qu’enfin la vraie source de vie éclate en soi.
Je vis chaque soir cet éblouissement de perte d’identité pour me façonner un autre devenir, un autre « moi », même si le processus est douloureux, même si le miroir ne renvoie pas l’image que je souhaite.
Lorsque la nuit se fait noire et me drape de filaments célestes, je fais corps avec le désert et vole à la rencontre de moi-même. L’union est brève, intense et cette fraction de seconde me chuchote que l’existe enfin autrement.
Faut-il être quémandeur pour partir à la recherche de soi ? Je ne sais pas. Je ne sais que l’empreinte au fer rouge dans le sang de ma vie qui me pousse à aller au-delà de la facilité, au-delà du commun. Je ne sais que cette force incontrôlable qui me possède et me projette dans le royaume de l’absolu. Chaque pelure n’est plus qu’un souvenir, abandonnée sur les terres d’une vie fantôme, aux portes des territoires vierges où tout est encore possible. Déchiquetés, broyés, les masques tombent en poussières pour mourir doucement. Dans les bras du sable, la chrysalide s’ouvre en une corolle d’or et s’épanouit à la lumière de l’astre. Dans l’opacité de la nuit, j’entends le chant des sables qui se fond dans l’insondable et je rêve au temps qui doucement s’enfuit.
Je ne peux plus me projeter dans le passé ou regarder en arrière ; la pensée bute sur le présent, obstinément. Tout est plein dans l’instant « T » et seul compte cet instant. Parcourir le passé n’a aucun sens puisque tout prend une autre valeur. Essayer de rebondir avec ses acquis n’est que pure fiction puisque tout est neuf et sollicite d’autres yeux.
Je dois bannir la peur de ma perte d’identité car de cet abandon va naître un autre moi-même. Je dois me laisser dominer et ne plus agir. Alors seulement de plein fouet, je reçois la lumière du désert qui éclaire ma route et me fait découvrir différente. J’accède enfin au dépouillement complet et je sais que je suis prête pour l’autre monde. J’oublie, comme une évidence, mon parcours de vie jusqu’alors pour ne tendre que vers mon moi profond.
« Etre désert » : rêve devenu réalité ; je respire le désert ; je vis le désert ; je sens le désert et je suis désert.
… Des lendemains comme aujourd’hui ou comme hier dans la fugacité de l’éternité …
Je nourris le brasier de ma vie aux feux de la solitude et de l’abandon. J’aimerais que le désert m’initie à tous ses secrets. Alors je suis sans complaisance avec moi-même ; je me dépouille de tout pour tenter de comprendre.
Parcours sans cesse initiatique qui érode un peu plus l’écorce de ma vie, que je gratte pour en extraire le suc. Je marche, étreignant la prière de la vie sur l’autel du désert.
Comme un alléluia face à l’horizontalité, je me meurs à chaque pas pour renaître à cette autre vie, pour me déshabituer de toutes ces années d’à-peu-près que je transporte malgré moi, pour réapprendre à vivre … s’il en est encore temps.
La Vallée Blanche est une procession d’oasis immergées au cœur des dunes. Quand la fatigue se fait sentir, l’or des sables me murmure les contes de ce grand Sahara qui n’en finit pas de ressusciter. Et comme par miracle, des ondes d’énergie m’envahissent pour me faire avancer, encore et toujours. Quand les efforts sont récompensés par la paix des bivouacs et l’histoire du ciel étoilé, ma vie devient transparente et limpide comme l’eau. Mon habit se détache et l’arbre de vie se dessine alors au cœur de ma nudité, tronc s’élançant sans ramification, tourné vers l’Essentiel, ayant rejeté les faux-semblants. Ca fait mal de se desquamer, d’apprendre à désaimer ce qui n’est pas important, de s’abandonner à une autre dimension pour qu’enfin la vraie source de vie éclate en soi.
Je vis chaque soir cet éblouissement de perte d’identité pour me façonner un autre devenir, un autre « moi », même si le processus est douloureux, même si le miroir ne renvoie pas l’image que je souhaite.
Lorsque la nuit se fait noire et me drape de filaments célestes, je fais corps avec le désert et vole à la rencontre de moi-même. L’union est brève, intense et cette fraction de seconde me chuchote que l’existe enfin autrement.
Faut-il être quémandeur pour partir à la recherche de soi ? Je ne sais pas. Je ne sais que l’empreinte au fer rouge dans le sang de ma vie qui me pousse à aller au-delà de la facilité, au-delà du commun. Je ne sais que cette force incontrôlable qui me possède et me projette dans le royaume de l’absolu. Chaque pelure n’est plus qu’un souvenir, abandonnée sur les terres d’une vie fantôme, aux portes des territoires vierges où tout est encore possible. Déchiquetés, broyés, les masques tombent en poussières pour mourir doucement. Dans les bras du sable, la chrysalide s’ouvre en une corolle d’or et s’épanouit à la lumière de l’astre. Dans l’opacité de la nuit, j’entends le chant des sables qui se fond dans l’insondable et je rêve au temps qui doucement s’enfuit.
Je ne peux plus me projeter dans le passé ou regarder en arrière ; la pensée bute sur le présent, obstinément. Tout est plein dans l’instant « T » et seul compte cet instant. Parcourir le passé n’a aucun sens puisque tout prend une autre valeur. Essayer de rebondir avec ses acquis n’est que pure fiction puisque tout est neuf et sollicite d’autres yeux.
Je dois bannir la peur de ma perte d’identité car de cet abandon va naître un autre moi-même. Je dois me laisser dominer et ne plus agir. Alors seulement de plein fouet, je reçois la lumière du désert qui éclaire ma route et me fait découvrir différente. J’accède enfin au dépouillement complet et je sais que je suis prête pour l’autre monde. J’oublie, comme une évidence, mon parcours de vie jusqu’alors pour ne tendre que vers mon moi profond.
« Etre désert » : rêve devenu réalité ; je respire le désert ; je vis le désert ; je sens le désert et je suis désert.
lundi 22 juin 2009
Partager la fatigue, qu’elle soit mienne ou nomade, et aller au-delà, malgré tout, pour avancer encore, installer le campement, et enfin prendre soin de nous. Partager la beauté par le regard, partager l’envie de dire avec les mains, partager les rires ; partager le désert et partager l’histoire de l’autre, en étant attentif et réceptif à l’autre …
Ce jour où je parcours, pendant cinq heures d’affilées, dans un grand vent de sable, un cordon dunaire m’encerclant de spirales irrespirables, où le chèche n’est qu’un faible rempart face aux tourbillons, où le regard ne peut accrocher que la djellaba des chameliers à quelques pas de moi …
Le vent qui étourdit, enivre, fatigue ; le vent qui chante fort le désert mais qui le laisse désirer … le vent qui ne laisse entrevoir que moi-même, un vent fou contre lequel je dois lutter pour progresser … le vent qui ne veut pas faiblir pour me laisser me désaltérer … le vent qui sèche les lèvres, les poumons, les yeux … le vent de sable qui noie les pas et les souvenirs, efface les jours de pierre et de damnation, pétrifie les pensées, balaie les tourments de la vie et purifie le devenir.
J’écoute les sons des tourbillons qui grondent et se déchaînent comme des monstres. La musique du vent nous enveloppe, nous dit de nous prendre par la main si nous voulons aller plus loin.
Le vent me murmure la beauté de ces paysages sans cesse renouvelés, me chuchote que nous sommes rires et tendresse au milieu des dunes argentées.
Le vent me crie que nous sommes seuls à marcher en ces lieux, yeux dans les yeux.
Et le vent me souffle de continuer à aimer pour apprendre à vagabonder sur le chemin des secrets.
Le vent qui psalmodie le chant monotone de l’infini, ourlant de notes graves et sourdes la partition de la vie.
Je l’apprivoise comme une danse volupté et j’erre de volutes en ombres tamisées, mariant les traces ensablées aux pas captivité. Le vent me parle encore et encore, de sa voix de stentor, avant de s’en aller mourir, avant d’avoir fini de me dire.
L’arrêt « pique-nique » me trouve déshydratée et « barbouillée ». Lella comprend mon mal-être physique et prépare le « srig » sans un mot, tranquillement. Je bois trois grandes jattes de cette préparation énergétique et mange un peu. Je regarde mes amis vaquer à leurs occupations. Au coucher du soleil, je me sens ragaillardie et le bivouac est un havre de paix, niché au creux d’une minuscule oasis. Il est bon de savourer ces instants de quiétude, quand la théière commence à chanter sur le feu de bois, que les reflets de la nuit inondent l’horizon de couleurs pourpres et que les sons s’éteignent pour ne laisser entendre que le silence. Je n’échangerai pour rien au monde, ces instants de pur abandon dans la grande vague des plaisirs où se mêlent l’odeur du désert, la chaleur des braises, les chants des nomades, la naissance de la nuit et les mots murmurés pour ne pas briser la magie.
Etourdie de bourrasques et de soleil, je n’ai pas sommeil.
Mes yeux captent les messages d’un territoire non sage qui dessine sur ses rivages l’ombre de mon visage.
J’emprisonne les désirs, paumes ouvertes sur les délires, n’existant que pour embellir ce qui ne saurait mentir.
Je me prends au piège des immenses filets dorés qui m’enferment au sein de leurs sortilèges, et sous la caresse du monde, j’atteins le merveilleux dans l’obscurité des cieux. J’étreins la galaxie des lumières insondables pour lui dire merci. Les paillettes mordorées m’éblouissent de mille reflets et je me noie dans les chuchotements que je retiens dans la vasque des doigts au sable sertis.
Que désirer d’autre que je ne possède ? Ma vie est là, tout entière à moi, en moi. Je ne peux m’échouer que sur ma propre vie. Je la sens palpiter en moi, comme un cri se répercutant en écho infini.
Que désirer d’autre qui ne me soit donné ? Cette terre secrète est le théâtre de ma vie, la scène de ma quête d’absolu et de ma soif de connaissance.
Que vouloir d’autre que je n’ai déjà ? Cette contrée lointaine où je me repose de ma vie est mon port d’attache qui ne me lie qu’avec moi-même. Patrie de tous les espaces, cette terre est ma terre car elle me permet de lire le livre de ma vie. Un livre grand ouvert sur des pages immaculées de rien ou seulement parsemées d’étincelles d’or ; un livre plein de rêves couleur nuit ; un livre où les images ne sont que des esquisses de la démesure.
L’élégance du désert, c’est de me laisser raconter ma vie, à mon rythme, sans précipitation, sans contraintes. Mon cahier de voyage est la lecture d’un désert exigeant comme un amant, qui m’apprend à mieux vivre, à mieux être. Je peux rester ainsi des heures durant, effleurant les épures de ma vie, ou au contraire, me laissant submerger par un torrent de visions d’un passé qui ne m’appartient plus.
Je prends la main du désert dans la mienne pour ne pas me perdre dans les coulisses de ma vie, pour abandonner toute obsession qui ne me lierait pas avec lui.
Ce jour où je parcours, pendant cinq heures d’affilées, dans un grand vent de sable, un cordon dunaire m’encerclant de spirales irrespirables, où le chèche n’est qu’un faible rempart face aux tourbillons, où le regard ne peut accrocher que la djellaba des chameliers à quelques pas de moi …
Le vent qui étourdit, enivre, fatigue ; le vent qui chante fort le désert mais qui le laisse désirer … le vent qui ne laisse entrevoir que moi-même, un vent fou contre lequel je dois lutter pour progresser … le vent qui ne veut pas faiblir pour me laisser me désaltérer … le vent qui sèche les lèvres, les poumons, les yeux … le vent de sable qui noie les pas et les souvenirs, efface les jours de pierre et de damnation, pétrifie les pensées, balaie les tourments de la vie et purifie le devenir.
J’écoute les sons des tourbillons qui grondent et se déchaînent comme des monstres. La musique du vent nous enveloppe, nous dit de nous prendre par la main si nous voulons aller plus loin.
Le vent me murmure la beauté de ces paysages sans cesse renouvelés, me chuchote que nous sommes rires et tendresse au milieu des dunes argentées.
Le vent me crie que nous sommes seuls à marcher en ces lieux, yeux dans les yeux.
Et le vent me souffle de continuer à aimer pour apprendre à vagabonder sur le chemin des secrets.
Le vent qui psalmodie le chant monotone de l’infini, ourlant de notes graves et sourdes la partition de la vie.
Je l’apprivoise comme une danse volupté et j’erre de volutes en ombres tamisées, mariant les traces ensablées aux pas captivité. Le vent me parle encore et encore, de sa voix de stentor, avant de s’en aller mourir, avant d’avoir fini de me dire.
L’arrêt « pique-nique » me trouve déshydratée et « barbouillée ». Lella comprend mon mal-être physique et prépare le « srig » sans un mot, tranquillement. Je bois trois grandes jattes de cette préparation énergétique et mange un peu. Je regarde mes amis vaquer à leurs occupations. Au coucher du soleil, je me sens ragaillardie et le bivouac est un havre de paix, niché au creux d’une minuscule oasis. Il est bon de savourer ces instants de quiétude, quand la théière commence à chanter sur le feu de bois, que les reflets de la nuit inondent l’horizon de couleurs pourpres et que les sons s’éteignent pour ne laisser entendre que le silence. Je n’échangerai pour rien au monde, ces instants de pur abandon dans la grande vague des plaisirs où se mêlent l’odeur du désert, la chaleur des braises, les chants des nomades, la naissance de la nuit et les mots murmurés pour ne pas briser la magie.
Etourdie de bourrasques et de soleil, je n’ai pas sommeil.
Mes yeux captent les messages d’un territoire non sage qui dessine sur ses rivages l’ombre de mon visage.
J’emprisonne les désirs, paumes ouvertes sur les délires, n’existant que pour embellir ce qui ne saurait mentir.
Je me prends au piège des immenses filets dorés qui m’enferment au sein de leurs sortilèges, et sous la caresse du monde, j’atteins le merveilleux dans l’obscurité des cieux. J’étreins la galaxie des lumières insondables pour lui dire merci. Les paillettes mordorées m’éblouissent de mille reflets et je me noie dans les chuchotements que je retiens dans la vasque des doigts au sable sertis.
Que désirer d’autre que je ne possède ? Ma vie est là, tout entière à moi, en moi. Je ne peux m’échouer que sur ma propre vie. Je la sens palpiter en moi, comme un cri se répercutant en écho infini.
Que désirer d’autre qui ne me soit donné ? Cette terre secrète est le théâtre de ma vie, la scène de ma quête d’absolu et de ma soif de connaissance.
Que vouloir d’autre que je n’ai déjà ? Cette contrée lointaine où je me repose de ma vie est mon port d’attache qui ne me lie qu’avec moi-même. Patrie de tous les espaces, cette terre est ma terre car elle me permet de lire le livre de ma vie. Un livre grand ouvert sur des pages immaculées de rien ou seulement parsemées d’étincelles d’or ; un livre plein de rêves couleur nuit ; un livre où les images ne sont que des esquisses de la démesure.
L’élégance du désert, c’est de me laisser raconter ma vie, à mon rythme, sans précipitation, sans contraintes. Mon cahier de voyage est la lecture d’un désert exigeant comme un amant, qui m’apprend à mieux vivre, à mieux être. Je peux rester ainsi des heures durant, effleurant les épures de ma vie, ou au contraire, me laissant submerger par un torrent de visions d’un passé qui ne m’appartient plus.
Je prends la main du désert dans la mienne pour ne pas me perdre dans les coulisses de ma vie, pour abandonner toute obsession qui ne me lierait pas avec lui.
samedi 20 juin 2009
J’aborde l’autre parcours, pleine d’énergie, car le désert se fait indulgent et lumineux, comme pour mieux m’ensorceler. Encore quelques pierres pour me sevrer doucement avant de plonger dans les grands ergs de Timinit.
J’ai supplié le ciel de m’offrir des dunes quand je galérais dans le reg et je suis exaucée : une multitude de courbes légères, sublimes, majestueuses m’encerclant pour me réconcilier avec les sables ; des ondulations fragiles dansant avec l’astre du jour ; des teintes limpides et blondes pour mériter le nom de « vallée blanche » ; des circonvolutions couleur soleil m’étreignant paisiblement ; des ondes de sable, immenses et aériennes épousant le ciel ; des volutes de poussières dorées s’évanouissant dans l’envol des chèches sous le souffle du vent … et des pas qui marchent au gré de la liberté, au creux du rien.
Un rien comme une caresse sur la peau, une harmonie de sons couleur silence qui se balance de dune en dune, et qui se noie dans la plénitude des sens ; un rien comme une lumière étincelante sur un désert aveuglant de beauté ; un rien plein de sensualité qui dessine les arabesques de l’amour ; un rien comme une immatérialité entêtante sur la danse de la vie ; un rien comme l’apaisement après la tempête, qui effleure l’onde de vie nimbée de puissance féconde ; un rien comme une étreinte solitude nouée aux racines minérales ; un rien humilité comme apprentissage de la vie.
Je me suis séparée de hier, des pierres, pour m’assoupir dans le ventre des dunes. Revenir d’un désert pour revenir au désert, m’enfonçant dans le royaume des légendes et des soleils couchants.
Timinit, Maden, Chatou … les noms chantent de crête en crête. Eblouissement des couleurs ocre, or, blanches et pures, comme des voiles de lumière sur un océan de dunes rougissantes et dorées.
Eclatement sur l’inoubliable, inaccessible démesure cristalline comme une ode à la création.
Mythique désert qui m’offre le paradis, jonché de jardins et de palmeraies.
Somptueux contrastes dont je ne peux détacher le regard, avide de comprendre la nature et les « pourquoi » face à de tels lieux.
Les jours naissent et meurent au milieu des sables et du silence. Nos pas sont feutrés et caressent les dunes pour mieux les aimer. Les bivouacs retrouvent la vérité des cieux, inondés d’étoiles filantes et de constellations. Mes deux amis chameliers chantent le désert, Dieu, l’Amour. Comme ils sont loin de toutes les considérations que nous côtoyons chez nous … loin de ce qui fait mal, de ce qui n’est pas la vraie vie. Ils vivent au rythme du soleil, de la générosité du repas partagé, des rires autour du feu, des prières solitaires ou avec d’autres nomades, des marches interminables et des feux, symboles de complicité et de bien-être.
Tout est intimement noué dans l’espace-temps, dans l’espace-liberté, dans l’espace-infini.
Je marche au diapason de cette vie, sans fard et sans superflu ; je marche, solitaire et pleine de toutes ces richesses. Oui, c’est ça : je suis riche, immensément riche de sérénité et de paix. L’aura du désert me fait riche de mille sensations, de mille perceptions. Oui, je suis riche de « rien », qui ne se compte pas en euro, qui ne peut se monnayer sur aucun marché boursier. Je suis riche de plénitude et de compréhension.
Comment expliquer que l’on peut être heureux en marchant dans un monde qui n’offre rien en monnaie trébuchante mais qui donne tout ? Comment expliquer ?
Peut-être y a-t-il ici plus qu’ailleurs la notion de partage, non pas un mot théorique et vide de sens, mais vécu quotidiennement dans chaque acte, à chaque instant : ce partage dans l’écoute de l’autre quand les salutations s’éternisent pour demander des nouvelles de la santé, de la famille, du village, dans l’aide apportée autour du puits, dans le repas ou le thé offert à tout hôte émergeant de nulle part, sans poser de question, dans l’attention muette accordée à chacun … D’un seul coup d’œil, le nomade voit ce dont l’hôte a besoin et prévient sa demande. Le plus extraordinaire est le partage du silence, quand les nomades, après une rude journée de travail, se retrouvent autour du feu et écoutent, ensemble, dans une communion profonde et paisible, la solitude du désert. Imperceptible, mais ô combien présent, ce partage dans la douceur des mots, dans la douceur des gestes, et surtout dans le silence qui nous enveloppe. Pas de bruit superflu … ils m’intègrent dans ce partage où je me fais silence dans le moindre mouvement, où j’acquiers au fil des jours, l’immobilité qui est la leur dans la contemplation du feu ou du soleil couchant. Les mains se tendent silencieusement pour donner le verre de thé ou les dattes. Religieusement, ils entendent le désert, les yeux baissés, goûtant au repos bien mérité. Je n’ai que le droit d’être heureuse, à l’écoute de leur partage perceptible dans chaque goutte de silence. Comme il est bon d’être ainsi, entourée de douceur et intégrée dans leur cercle qui s’ouvre naturellement à chaque nouvelle arrivée. Je suis riche de ce partage émotionnel intense et de bien-être paisible.
Je vais ainsi, partageant mon histoire, de palmeraie en campement, de dunes en oasis, de crépuscule en aurore, avec des nomades qui m’accueillent à bras ouverts et qui mettent tout en œuvre pour que je sois bien.
J’ai supplié le ciel de m’offrir des dunes quand je galérais dans le reg et je suis exaucée : une multitude de courbes légères, sublimes, majestueuses m’encerclant pour me réconcilier avec les sables ; des ondulations fragiles dansant avec l’astre du jour ; des teintes limpides et blondes pour mériter le nom de « vallée blanche » ; des circonvolutions couleur soleil m’étreignant paisiblement ; des ondes de sable, immenses et aériennes épousant le ciel ; des volutes de poussières dorées s’évanouissant dans l’envol des chèches sous le souffle du vent … et des pas qui marchent au gré de la liberté, au creux du rien.
Un rien comme une caresse sur la peau, une harmonie de sons couleur silence qui se balance de dune en dune, et qui se noie dans la plénitude des sens ; un rien comme une lumière étincelante sur un désert aveuglant de beauté ; un rien plein de sensualité qui dessine les arabesques de l’amour ; un rien comme une immatérialité entêtante sur la danse de la vie ; un rien comme l’apaisement après la tempête, qui effleure l’onde de vie nimbée de puissance féconde ; un rien comme une étreinte solitude nouée aux racines minérales ; un rien humilité comme apprentissage de la vie.
Je me suis séparée de hier, des pierres, pour m’assoupir dans le ventre des dunes. Revenir d’un désert pour revenir au désert, m’enfonçant dans le royaume des légendes et des soleils couchants.
Timinit, Maden, Chatou … les noms chantent de crête en crête. Eblouissement des couleurs ocre, or, blanches et pures, comme des voiles de lumière sur un océan de dunes rougissantes et dorées.
Eclatement sur l’inoubliable, inaccessible démesure cristalline comme une ode à la création.
Mythique désert qui m’offre le paradis, jonché de jardins et de palmeraies.
Somptueux contrastes dont je ne peux détacher le regard, avide de comprendre la nature et les « pourquoi » face à de tels lieux.
Les jours naissent et meurent au milieu des sables et du silence. Nos pas sont feutrés et caressent les dunes pour mieux les aimer. Les bivouacs retrouvent la vérité des cieux, inondés d’étoiles filantes et de constellations. Mes deux amis chameliers chantent le désert, Dieu, l’Amour. Comme ils sont loin de toutes les considérations que nous côtoyons chez nous … loin de ce qui fait mal, de ce qui n’est pas la vraie vie. Ils vivent au rythme du soleil, de la générosité du repas partagé, des rires autour du feu, des prières solitaires ou avec d’autres nomades, des marches interminables et des feux, symboles de complicité et de bien-être.
Tout est intimement noué dans l’espace-temps, dans l’espace-liberté, dans l’espace-infini.
Je marche au diapason de cette vie, sans fard et sans superflu ; je marche, solitaire et pleine de toutes ces richesses. Oui, c’est ça : je suis riche, immensément riche de sérénité et de paix. L’aura du désert me fait riche de mille sensations, de mille perceptions. Oui, je suis riche de « rien », qui ne se compte pas en euro, qui ne peut se monnayer sur aucun marché boursier. Je suis riche de plénitude et de compréhension.
Comment expliquer que l’on peut être heureux en marchant dans un monde qui n’offre rien en monnaie trébuchante mais qui donne tout ? Comment expliquer ?
Peut-être y a-t-il ici plus qu’ailleurs la notion de partage, non pas un mot théorique et vide de sens, mais vécu quotidiennement dans chaque acte, à chaque instant : ce partage dans l’écoute de l’autre quand les salutations s’éternisent pour demander des nouvelles de la santé, de la famille, du village, dans l’aide apportée autour du puits, dans le repas ou le thé offert à tout hôte émergeant de nulle part, sans poser de question, dans l’attention muette accordée à chacun … D’un seul coup d’œil, le nomade voit ce dont l’hôte a besoin et prévient sa demande. Le plus extraordinaire est le partage du silence, quand les nomades, après une rude journée de travail, se retrouvent autour du feu et écoutent, ensemble, dans une communion profonde et paisible, la solitude du désert. Imperceptible, mais ô combien présent, ce partage dans la douceur des mots, dans la douceur des gestes, et surtout dans le silence qui nous enveloppe. Pas de bruit superflu … ils m’intègrent dans ce partage où je me fais silence dans le moindre mouvement, où j’acquiers au fil des jours, l’immobilité qui est la leur dans la contemplation du feu ou du soleil couchant. Les mains se tendent silencieusement pour donner le verre de thé ou les dattes. Religieusement, ils entendent le désert, les yeux baissés, goûtant au repos bien mérité. Je n’ai que le droit d’être heureuse, à l’écoute de leur partage perceptible dans chaque goutte de silence. Comme il est bon d’être ainsi, entourée de douceur et intégrée dans leur cercle qui s’ouvre naturellement à chaque nouvelle arrivée. Je suis riche de ce partage émotionnel intense et de bien-être paisible.
Je vais ainsi, partageant mon histoire, de palmeraie en campement, de dunes en oasis, de crépuscule en aurore, avec des nomades qui m’accueillent à bras ouverts et qui mettent tout en œuvre pour que je sois bien.
mercredi 17 juin 2009
Les yeux à peine ouverts, je sens la présence des enfants hors de la tente. Ils se tiennent à distance. La galette cuit. Je range mes affaires et partage le pain avec eux.
Ces nomades sont une partie du monde, oubliés de tous, même de Dieu.
Comment vivre dans de tels lieux inhospitaliers, qui ne donnent rien ? Comment vivre ici ? Aucun espoir à mille lieux à la ronde ; aucun espoir si ce n’est la survie tout simplement.
Avant de partir, je salue l’hôte qui nous a si gentiment reçus et règle notre nuitée. Je me retourne sur des enfants en haillons qui me font de grands signes en souriant. Je me retourne sur un désert que j’apprends à aimer. Je me retourne sur le néant, le froid des pierres et le regard des femmes sous les tentes. Je n’oublierai jamais cette traversée qui laisse en moi les séquelles d’une marche maudite avant la rédemption. Je suis heureuse d’avoir vécu ces moments de rejet parce que maintenant, je sais … Je sais la dimension humaine d’un village de pierres où le rien est roi ; je sais que du rien jaillit la renaissance ; je sais qu’il faut traverser les affres et l’incommodité de tels lieux. Je sais que l’on doit aller au bout de ses attentes pour être récompensé, et qu’il faut faire confiance au miroir de la vie, de sa vie.
Malgré tout, contradiction en moi : « rien » synonyme de pauvreté ou « rien » symbole de plénitude intérieure ? Je suis au milieu de la misère, et c’est là que je me reconstruis sur des pierres informes et froides. Je touche du bout des doigts l’âpreté de tels lieux, et du bout du cœur, je palpe une vérité de vie, nichée là, qui ne demande qu’à germer en moi puisque je suis devenue pauvre de possession. Je me regarde et ne me vois plus : qu’ai-je encore à moi, si ce n’est juste un bol pour manger, un duvet pour dormir, les mêmes vêtements jour après jour, et rien de superflu dans la nourriture …
Je suis sans apprêt, sans rien qui m’appartienne vraiment.
Lorsque je pose la tête pour dormir, au creux de mes bras pour unique oreiller, que j’entends le souffle régulier de Sidi et Lella, je sais ce que le mot « rien » peut signifier. Je n’ai que le strict minimum pour faire face aux aléas de la météo, pour assurer une toilette très succincte, et … c’est tout. Ma brosse ne peigne plus depuis longtemps les cheveux emmêlés et remplis de sable ; je n’ai que les mains pour toucher le visage car le miroir de poche est relégué au fond de ma trousse, inutile et vain. L’image de moi est intérieure ; c’est celle que j’offre à ceux qui m’entourent. Voilà ce « rien » que je suis venue chercher tout au fond de moi, tout au bout des sables, et qui m’emplit toute. Ma seule possession, ce sont mes mains qui se tendent vers moi ; c’est mon propre regard sur moi ; c’est mon corps à l’écoute de mes propres pas… Il n’y a rien … rien que moi avec moi. Je dois me contenter de ma seule compagnie ; autant dire qu’il faut s’annihiler pour avancer avec soi-même, pour discuter de longues heures solitaires avec soi-même, pour trouver chaque jour un sujet de conversation intéressant, non pas un monologue, mais un vrai dialogue entre sa pensée et les réponses glanées dans le sable et le soleil. Le vent se moque parfois de moi quand il me ressasse sans arrêt cette phrase : « tu voulais goûter au rien ; eh ! bien, le voilà : il est devant toi, derrière toi, autour de toi, en toi ». Le vent se fait grave quand il me dit : « remplis-toi de lui ; fais-le tien. Et si ce rien te parle, alors écoute-le, car il est sagesse et connaissance. Ecoute attentivement le silence du rien ; tends l’oreille et même si tu crois que tout est muet, tu te trompes et tu le sais. Il te faut être encore plus en osmose avec le rien pour en percevoir toute sa richesse. Ne te décourages pas ; ne te détournes pas de lui et si tu peines sur ses rives, c’est que ce silence là se mérite et s’obtient par abnégation de toi, par oubli de toi. Tu n’es pas allée assez loin dans le dépouillement et c’est pour cela que tu te heurtes à son mutisme ; déshabilles-toi encore plus ; sois simplement nudité pour avancer sur sa route et lui te vêtira de compréhension et de richesse ».
Au milieu du rien, je ne suis qu’un corps mal fagoté, mal lavé … mais la réalité est là : je ne suis rien, je n’ai rien, je n’attends rien … mais je suis heureuse. J’ai entendu le vent et compris son message.
Mais est-ce un fragment de bonheur puisque je ne palpe qu’un fragment du « rien » ? Pourrais-je tenir les mêmes propos si je devais être confrontée, jour après jour, à la pauvreté du « rien » ? Pourrais-je me sentir aussi libre si je n’avais que le « rien » pour unique horizon ? Ce « rien » qui m’est donné d’aimer ne dure que le temps d’une miette de vie. J’ai conscience que ce rien ne signifie pas la même chose pour les nomades qui vivent là, le temps d’une vie entière. Je bascule entre deux perceptions, plénitude intérieure et réalité abrupte d’un rien qui fait mal et qui dérange. Juste un morceau de rien pour mieux me comprendre, pour mieux m’atteindre : voilà ce que le désert m’offre, ne me demandant nullement de passer ma vie, retirée du monde. Ce rien est juste une étincelle dans ma parenthèse désertique pour me situer par rapport à moi-même. Ce rien n’a aucune adéquation avec la vie quotidienne car celle-là est difficile, ardue, pénible, âpre, miséreuse. C’est peut-être pour cela que les nomades, ne possédant rien, sont capables de rires, de générosité et de tendresse, car ils portent en eux naturellement la compréhension de la vie que je suis venue chercher auprès d’eux. Il est bon, tout simplement, de vivre un instant ainsi, qui permet d’aller en soi et d’en sortir vainqueur et libre.
Ces nomades sont une partie du monde, oubliés de tous, même de Dieu.
Comment vivre dans de tels lieux inhospitaliers, qui ne donnent rien ? Comment vivre ici ? Aucun espoir à mille lieux à la ronde ; aucun espoir si ce n’est la survie tout simplement.
Avant de partir, je salue l’hôte qui nous a si gentiment reçus et règle notre nuitée. Je me retourne sur des enfants en haillons qui me font de grands signes en souriant. Je me retourne sur un désert que j’apprends à aimer. Je me retourne sur le néant, le froid des pierres et le regard des femmes sous les tentes. Je n’oublierai jamais cette traversée qui laisse en moi les séquelles d’une marche maudite avant la rédemption. Je suis heureuse d’avoir vécu ces moments de rejet parce que maintenant, je sais … Je sais la dimension humaine d’un village de pierres où le rien est roi ; je sais que du rien jaillit la renaissance ; je sais qu’il faut traverser les affres et l’incommodité de tels lieux. Je sais que l’on doit aller au bout de ses attentes pour être récompensé, et qu’il faut faire confiance au miroir de la vie, de sa vie.
Malgré tout, contradiction en moi : « rien » synonyme de pauvreté ou « rien » symbole de plénitude intérieure ? Je suis au milieu de la misère, et c’est là que je me reconstruis sur des pierres informes et froides. Je touche du bout des doigts l’âpreté de tels lieux, et du bout du cœur, je palpe une vérité de vie, nichée là, qui ne demande qu’à germer en moi puisque je suis devenue pauvre de possession. Je me regarde et ne me vois plus : qu’ai-je encore à moi, si ce n’est juste un bol pour manger, un duvet pour dormir, les mêmes vêtements jour après jour, et rien de superflu dans la nourriture …
Je suis sans apprêt, sans rien qui m’appartienne vraiment.
Lorsque je pose la tête pour dormir, au creux de mes bras pour unique oreiller, que j’entends le souffle régulier de Sidi et Lella, je sais ce que le mot « rien » peut signifier. Je n’ai que le strict minimum pour faire face aux aléas de la météo, pour assurer une toilette très succincte, et … c’est tout. Ma brosse ne peigne plus depuis longtemps les cheveux emmêlés et remplis de sable ; je n’ai que les mains pour toucher le visage car le miroir de poche est relégué au fond de ma trousse, inutile et vain. L’image de moi est intérieure ; c’est celle que j’offre à ceux qui m’entourent. Voilà ce « rien » que je suis venue chercher tout au fond de moi, tout au bout des sables, et qui m’emplit toute. Ma seule possession, ce sont mes mains qui se tendent vers moi ; c’est mon propre regard sur moi ; c’est mon corps à l’écoute de mes propres pas… Il n’y a rien … rien que moi avec moi. Je dois me contenter de ma seule compagnie ; autant dire qu’il faut s’annihiler pour avancer avec soi-même, pour discuter de longues heures solitaires avec soi-même, pour trouver chaque jour un sujet de conversation intéressant, non pas un monologue, mais un vrai dialogue entre sa pensée et les réponses glanées dans le sable et le soleil. Le vent se moque parfois de moi quand il me ressasse sans arrêt cette phrase : « tu voulais goûter au rien ; eh ! bien, le voilà : il est devant toi, derrière toi, autour de toi, en toi ». Le vent se fait grave quand il me dit : « remplis-toi de lui ; fais-le tien. Et si ce rien te parle, alors écoute-le, car il est sagesse et connaissance. Ecoute attentivement le silence du rien ; tends l’oreille et même si tu crois que tout est muet, tu te trompes et tu le sais. Il te faut être encore plus en osmose avec le rien pour en percevoir toute sa richesse. Ne te décourages pas ; ne te détournes pas de lui et si tu peines sur ses rives, c’est que ce silence là se mérite et s’obtient par abnégation de toi, par oubli de toi. Tu n’es pas allée assez loin dans le dépouillement et c’est pour cela que tu te heurtes à son mutisme ; déshabilles-toi encore plus ; sois simplement nudité pour avancer sur sa route et lui te vêtira de compréhension et de richesse ».
Au milieu du rien, je ne suis qu’un corps mal fagoté, mal lavé … mais la réalité est là : je ne suis rien, je n’ai rien, je n’attends rien … mais je suis heureuse. J’ai entendu le vent et compris son message.
Mais est-ce un fragment de bonheur puisque je ne palpe qu’un fragment du « rien » ? Pourrais-je tenir les mêmes propos si je devais être confrontée, jour après jour, à la pauvreté du « rien » ? Pourrais-je me sentir aussi libre si je n’avais que le « rien » pour unique horizon ? Ce « rien » qui m’est donné d’aimer ne dure que le temps d’une miette de vie. J’ai conscience que ce rien ne signifie pas la même chose pour les nomades qui vivent là, le temps d’une vie entière. Je bascule entre deux perceptions, plénitude intérieure et réalité abrupte d’un rien qui fait mal et qui dérange. Juste un morceau de rien pour mieux me comprendre, pour mieux m’atteindre : voilà ce que le désert m’offre, ne me demandant nullement de passer ma vie, retirée du monde. Ce rien est juste une étincelle dans ma parenthèse désertique pour me situer par rapport à moi-même. Ce rien n’a aucune adéquation avec la vie quotidienne car celle-là est difficile, ardue, pénible, âpre, miséreuse. C’est peut-être pour cela que les nomades, ne possédant rien, sont capables de rires, de générosité et de tendresse, car ils portent en eux naturellement la compréhension de la vie que je suis venue chercher auprès d’eux. Il est bon, tout simplement, de vivre un instant ainsi, qui permet d’aller en soi et d’en sortir vainqueur et libre.
mardi 16 juin 2009
Pour la quatrième journée consécutive, nous chargeons les chameaux pour nous enfoncer dans ce reg qui s'étire comme un écheveau. Le vent nous accompagne et dans le ciel déchiré, ne se profilent que de rares coins bleutés. Mes sandales épousent tant bien que mal ce terrain chaotique et je ne peux porter bien longtemps le regard au-delà de mes pieds sous peine de me tordre les chevilles. J'ai sûrement quelque chose à apprendre de ce désert, mais quoi ?
Enfin, Lella m'annonce que nous approchons de l'oasis. Je regarde fixement ce qui se dessine devant moi, mais ne vois rien que ce que je vis depuis quatre jours. Mes yeux ne sauraient-ils plus voir ? Son-ils fatigués de trop de pierres, usés par le vent et l'étau du désert qui se referme inexorablement sur moi ? Comprennent-ils le langage nomade qui exclut du vocabulaire la notion de distance telle que nous la percevons chez nous ? Car j'imagine des palmiers, de l'eau, des tentes … et ce que je devine me laisse entrevoir le pire … Quelques rares maisons de pierre disséminées au milieu des pierres ... paysage pesant de désolation. Un homme s'avance, des enfants dénudés et frissonnants l'entourent. Après les échanges de politesse, Lella discute d'un éventuel emplacement pour nous. A quelques pas, un semblant de terrain vague cerné par des ruines … nous installons la tente. Je ne dis mot, résignée et mal à l'aise.
La misère est là : des khaïmas usagées, jaunies par le temps, ouvertes à tous les vents; les femmes y sont réfugiées, autour desquelles se blottissent de petits enfants. J'entends des pleurs de bébés. Les plus grands nous entourent, en cercle silencieux, ne demandant rien, n'attendant rien. Ils vivent quotidiennement dans le rien, ne voient que le rien, n'entendent que le rien. Je suis « mal »; j'ai envie de détourner la tête pour me reposer de ce « désert » qui m'étreint, mais la réalité est là, au cœur des pierres. Petit à petit, j'apprivoise les enfants, ou peut-être m'apprivoisent-ils ? Des rires fusent en catimini; malgré leur malheur, ils ont l'œil qui pétille et l'innocence de leur âge. Nous leur offrons des fruits qu'ils se partagent en retrait de la tente. Puis ils disparaissent. Je veux savoir où je suis, de quoi demain sera fait. Lella me rassure en me disant que nous irons découvrir El'Berbera tout à l'heure.
En attendant, je cherche désespérément un arbuste ou acacia pour assouvir un besoin naturel. Tout est désert …
Et pourtant, à quelques centaines de mètres de là, au coeur d'une immense faille, nous découvrons la beauté sauvage d'une oasis secrète et chatoyante. Des dunes de sable tapissent la descente comme du velours. Les palmiers et la végétation dense s'enchevêtrent au milieu des sources et des jardins. Les cascades jaillissent des blocs de rocher … un enfant chante … chaque anfractuosité de terrain recèle un trésor : des fleurs, des fougères, des « choux » … Nous sommes au fond d'une gorge profonde, sableuse et sereine. Chaque méandre nous entraîne un peu plus loin dans la découverte et nous marchons ainsi deux heures.
Alors, seulement, je comprends que les jours précédemment vécus avaient une signification, qu'il me fallait simplement être patiente car toute situation, aussi difficile soit-elle, a toujours un sens que le temps nous permet de décrypter.
Demain, d'autres horizons m'attendent, moins abrupts, moins sévères, mais ceux que je viens de traverser trouvent enfin leur place dans ma perception. Je devais vivre cette expérience. Le désert « reg » peut être envoûtant et ensorcelant. Ce n'est pas une carte postale, ce n'est pas un lieu idyllique. Et pourtant, il dégage une force, une saveur, un goût particulier, farouche et tenace. Avoir galéré dans cette pierraille n'était pas vain pour mieux comprendre l'enseignement du désert.
Le thé est partagé avec deux villageois. Nous les invitons à dîner mais ils déclinent l’invitation avec respect. Les enfants attendent et nous leur servons du riz et des légumes. Quelques minutes plus tard, une jatte de lait battue est offerte en remerciement. Dans la soirée, les pleurs des bébés s’éteignent et le vent murmure sa prière.
Enfin, Lella m'annonce que nous approchons de l'oasis. Je regarde fixement ce qui se dessine devant moi, mais ne vois rien que ce que je vis depuis quatre jours. Mes yeux ne sauraient-ils plus voir ? Son-ils fatigués de trop de pierres, usés par le vent et l'étau du désert qui se referme inexorablement sur moi ? Comprennent-ils le langage nomade qui exclut du vocabulaire la notion de distance telle que nous la percevons chez nous ? Car j'imagine des palmiers, de l'eau, des tentes … et ce que je devine me laisse entrevoir le pire … Quelques rares maisons de pierre disséminées au milieu des pierres ... paysage pesant de désolation. Un homme s'avance, des enfants dénudés et frissonnants l'entourent. Après les échanges de politesse, Lella discute d'un éventuel emplacement pour nous. A quelques pas, un semblant de terrain vague cerné par des ruines … nous installons la tente. Je ne dis mot, résignée et mal à l'aise.
La misère est là : des khaïmas usagées, jaunies par le temps, ouvertes à tous les vents; les femmes y sont réfugiées, autour desquelles se blottissent de petits enfants. J'entends des pleurs de bébés. Les plus grands nous entourent, en cercle silencieux, ne demandant rien, n'attendant rien. Ils vivent quotidiennement dans le rien, ne voient que le rien, n'entendent que le rien. Je suis « mal »; j'ai envie de détourner la tête pour me reposer de ce « désert » qui m'étreint, mais la réalité est là, au cœur des pierres. Petit à petit, j'apprivoise les enfants, ou peut-être m'apprivoisent-ils ? Des rires fusent en catimini; malgré leur malheur, ils ont l'œil qui pétille et l'innocence de leur âge. Nous leur offrons des fruits qu'ils se partagent en retrait de la tente. Puis ils disparaissent. Je veux savoir où je suis, de quoi demain sera fait. Lella me rassure en me disant que nous irons découvrir El'Berbera tout à l'heure.
En attendant, je cherche désespérément un arbuste ou acacia pour assouvir un besoin naturel. Tout est désert …
Et pourtant, à quelques centaines de mètres de là, au coeur d'une immense faille, nous découvrons la beauté sauvage d'une oasis secrète et chatoyante. Des dunes de sable tapissent la descente comme du velours. Les palmiers et la végétation dense s'enchevêtrent au milieu des sources et des jardins. Les cascades jaillissent des blocs de rocher … un enfant chante … chaque anfractuosité de terrain recèle un trésor : des fleurs, des fougères, des « choux » … Nous sommes au fond d'une gorge profonde, sableuse et sereine. Chaque méandre nous entraîne un peu plus loin dans la découverte et nous marchons ainsi deux heures.
Alors, seulement, je comprends que les jours précédemment vécus avaient une signification, qu'il me fallait simplement être patiente car toute situation, aussi difficile soit-elle, a toujours un sens que le temps nous permet de décrypter.
Demain, d'autres horizons m'attendent, moins abrupts, moins sévères, mais ceux que je viens de traverser trouvent enfin leur place dans ma perception. Je devais vivre cette expérience. Le désert « reg » peut être envoûtant et ensorcelant. Ce n'est pas une carte postale, ce n'est pas un lieu idyllique. Et pourtant, il dégage une force, une saveur, un goût particulier, farouche et tenace. Avoir galéré dans cette pierraille n'était pas vain pour mieux comprendre l'enseignement du désert.
Le thé est partagé avec deux villageois. Nous les invitons à dîner mais ils déclinent l’invitation avec respect. Les enfants attendent et nous leur servons du riz et des légumes. Quelques minutes plus tard, une jatte de lait battue est offerte en remerciement. Dans la soirée, les pleurs des bébés s’éteignent et le vent murmure sa prière.
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