Pour la quatrième journée consécutive, nous chargeons les chameaux pour nous enfoncer dans ce reg qui s'étire comme un écheveau. Le vent nous accompagne et dans le ciel déchiré, ne se profilent que de rares coins bleutés. Mes sandales épousent tant bien que mal ce terrain chaotique et je ne peux porter bien longtemps le regard au-delà de mes pieds sous peine de me tordre les chevilles. J'ai sûrement quelque chose à apprendre de ce désert, mais quoi ?
Enfin, Lella m'annonce que nous approchons de l'oasis. Je regarde fixement ce qui se dessine devant moi, mais ne vois rien que ce que je vis depuis quatre jours. Mes yeux ne sauraient-ils plus voir ? Son-ils fatigués de trop de pierres, usés par le vent et l'étau du désert qui se referme inexorablement sur moi ? Comprennent-ils le langage nomade qui exclut du vocabulaire la notion de distance telle que nous la percevons chez nous ? Car j'imagine des palmiers, de l'eau, des tentes … et ce que je devine me laisse entrevoir le pire … Quelques rares maisons de pierre disséminées au milieu des pierres ... paysage pesant de désolation. Un homme s'avance, des enfants dénudés et frissonnants l'entourent. Après les échanges de politesse, Lella discute d'un éventuel emplacement pour nous. A quelques pas, un semblant de terrain vague cerné par des ruines … nous installons la tente. Je ne dis mot, résignée et mal à l'aise.
La misère est là : des khaïmas usagées, jaunies par le temps, ouvertes à tous les vents; les femmes y sont réfugiées, autour desquelles se blottissent de petits enfants. J'entends des pleurs de bébés. Les plus grands nous entourent, en cercle silencieux, ne demandant rien, n'attendant rien. Ils vivent quotidiennement dans le rien, ne voient que le rien, n'entendent que le rien. Je suis « mal »; j'ai envie de détourner la tête pour me reposer de ce « désert » qui m'étreint, mais la réalité est là, au cœur des pierres. Petit à petit, j'apprivoise les enfants, ou peut-être m'apprivoisent-ils ? Des rires fusent en catimini; malgré leur malheur, ils ont l'œil qui pétille et l'innocence de leur âge. Nous leur offrons des fruits qu'ils se partagent en retrait de la tente. Puis ils disparaissent. Je veux savoir où je suis, de quoi demain sera fait. Lella me rassure en me disant que nous irons découvrir El'Berbera tout à l'heure.
En attendant, je cherche désespérément un arbuste ou acacia pour assouvir un besoin naturel. Tout est désert …
Et pourtant, à quelques centaines de mètres de là, au coeur d'une immense faille, nous découvrons la beauté sauvage d'une oasis secrète et chatoyante. Des dunes de sable tapissent la descente comme du velours. Les palmiers et la végétation dense s'enchevêtrent au milieu des sources et des jardins. Les cascades jaillissent des blocs de rocher … un enfant chante … chaque anfractuosité de terrain recèle un trésor : des fleurs, des fougères, des « choux » … Nous sommes au fond d'une gorge profonde, sableuse et sereine. Chaque méandre nous entraîne un peu plus loin dans la découverte et nous marchons ainsi deux heures.
Alors, seulement, je comprends que les jours précédemment vécus avaient une signification, qu'il me fallait simplement être patiente car toute situation, aussi difficile soit-elle, a toujours un sens que le temps nous permet de décrypter.
Demain, d'autres horizons m'attendent, moins abrupts, moins sévères, mais ceux que je viens de traverser trouvent enfin leur place dans ma perception. Je devais vivre cette expérience. Le désert « reg » peut être envoûtant et ensorcelant. Ce n'est pas une carte postale, ce n'est pas un lieu idyllique. Et pourtant, il dégage une force, une saveur, un goût particulier, farouche et tenace. Avoir galéré dans cette pierraille n'était pas vain pour mieux comprendre l'enseignement du désert.
Le thé est partagé avec deux villageois. Nous les invitons à dîner mais ils déclinent l’invitation avec respect. Les enfants attendent et nous leur servons du riz et des légumes. Quelques minutes plus tard, une jatte de lait battue est offerte en remerciement. Dans la soirée, les pleurs des bébés s’éteignent et le vent murmure sa prière.
Enfin, Lella m'annonce que nous approchons de l'oasis. Je regarde fixement ce qui se dessine devant moi, mais ne vois rien que ce que je vis depuis quatre jours. Mes yeux ne sauraient-ils plus voir ? Son-ils fatigués de trop de pierres, usés par le vent et l'étau du désert qui se referme inexorablement sur moi ? Comprennent-ils le langage nomade qui exclut du vocabulaire la notion de distance telle que nous la percevons chez nous ? Car j'imagine des palmiers, de l'eau, des tentes … et ce que je devine me laisse entrevoir le pire … Quelques rares maisons de pierre disséminées au milieu des pierres ... paysage pesant de désolation. Un homme s'avance, des enfants dénudés et frissonnants l'entourent. Après les échanges de politesse, Lella discute d'un éventuel emplacement pour nous. A quelques pas, un semblant de terrain vague cerné par des ruines … nous installons la tente. Je ne dis mot, résignée et mal à l'aise.
La misère est là : des khaïmas usagées, jaunies par le temps, ouvertes à tous les vents; les femmes y sont réfugiées, autour desquelles se blottissent de petits enfants. J'entends des pleurs de bébés. Les plus grands nous entourent, en cercle silencieux, ne demandant rien, n'attendant rien. Ils vivent quotidiennement dans le rien, ne voient que le rien, n'entendent que le rien. Je suis « mal »; j'ai envie de détourner la tête pour me reposer de ce « désert » qui m'étreint, mais la réalité est là, au cœur des pierres. Petit à petit, j'apprivoise les enfants, ou peut-être m'apprivoisent-ils ? Des rires fusent en catimini; malgré leur malheur, ils ont l'œil qui pétille et l'innocence de leur âge. Nous leur offrons des fruits qu'ils se partagent en retrait de la tente. Puis ils disparaissent. Je veux savoir où je suis, de quoi demain sera fait. Lella me rassure en me disant que nous irons découvrir El'Berbera tout à l'heure.
En attendant, je cherche désespérément un arbuste ou acacia pour assouvir un besoin naturel. Tout est désert …
Et pourtant, à quelques centaines de mètres de là, au coeur d'une immense faille, nous découvrons la beauté sauvage d'une oasis secrète et chatoyante. Des dunes de sable tapissent la descente comme du velours. Les palmiers et la végétation dense s'enchevêtrent au milieu des sources et des jardins. Les cascades jaillissent des blocs de rocher … un enfant chante … chaque anfractuosité de terrain recèle un trésor : des fleurs, des fougères, des « choux » … Nous sommes au fond d'une gorge profonde, sableuse et sereine. Chaque méandre nous entraîne un peu plus loin dans la découverte et nous marchons ainsi deux heures.
Alors, seulement, je comprends que les jours précédemment vécus avaient une signification, qu'il me fallait simplement être patiente car toute situation, aussi difficile soit-elle, a toujours un sens que le temps nous permet de décrypter.
Demain, d'autres horizons m'attendent, moins abrupts, moins sévères, mais ceux que je viens de traverser trouvent enfin leur place dans ma perception. Je devais vivre cette expérience. Le désert « reg » peut être envoûtant et ensorcelant. Ce n'est pas une carte postale, ce n'est pas un lieu idyllique. Et pourtant, il dégage une force, une saveur, un goût particulier, farouche et tenace. Avoir galéré dans cette pierraille n'était pas vain pour mieux comprendre l'enseignement du désert.
Le thé est partagé avec deux villageois. Nous les invitons à dîner mais ils déclinent l’invitation avec respect. Les enfants attendent et nous leur servons du riz et des légumes. Quelques minutes plus tard, une jatte de lait battue est offerte en remerciement. Dans la soirée, les pleurs des bébés s’éteignent et le vent murmure sa prière.