Le désert m'engloutit. Plus de repères, si ce n'est la ronde du soleil.
Je ne sais plus le temps, le jour. Je sais le silence et le vide des pensées.
Je divague sur le murmure du vent.
Je suis morte, ensevelie de sable, écrasée de soleil et de solitude. Mes yeux veulent capter ce qui reste de ma vie d'avant … C'était quand ? Où ? La passion du désert m'étouffe mais je m'y noie jour après jour, pas après pas.
Je ne sais plus dire. Le langage du désert est seulement en moi.
Liberté et rien : je sais ces deux mots dans le grand vent du néant.
Je veux dire l'appel du désert. Mots … prison. Désert-prison.
Au creux de mon cœur, désert.
Bras de l'immensité pour me déserter.
Combien de temps pour oublier la force et la démesure du désert ?
Je veux rester, âme nomade, libre, sauvage.
J'entends le monde, la prière du nomade, sa prière.
Qu'importe la peau craquelée de trop de vent, le visage bouffi de trop de soleil, les pieds lourds du sable transporté; qu'importe mon corps; il vit, il respire.
Immensité éclatée.
Autour du feu, nous parlons doucement de l'amitié, de nos vies. Nous n'avons pas sommeil. Le vent souffle fort.
Nasser, bonnet de laine sur la tête qui le fait ressembler au « diable » du désert, nous offre sa prestation de musicien improvisé et de chanteur. Lella se prend au jeu et comme des gamins, ils animent une soirée kermesse offerte en mon honneur ! Fou-rire à l'écoute de leurs imitations et de leurs pitreries. Nous sommes redevenus des enfants qui nous amusons au milieu de la nuit.
Puis, quand tout s'éteint, que la lune disparaît, nous contemplons le ciel; regards plein de bonté; silence sur les lèvres muettes.
Au creux de la nuit, sentir le regard qui ne s'endort pas et poser la tête pour un instant d'éternité.
Pureté du ciel et éclat des yeux.
Immensité et douceur … désert miracle … désert sublime.
Nuit trop courte qui nous laisse inachevés.
Le jour se lève; le froid et le vent sont encore présents. Dans la caillasse, nous marchons. Sur les traces du vent, nous fuyons. Sur les traces du vent, nous sommes.
Un chamelier, ami de Lella, nous rejoint. Nous faisons la halte. Le vent chante fort. Pour protéger le feu, Lella soulève une grosse pierre où se niche un énorme scorpion qu'il … embroche ! Le repas a goût de sable qui craque sous les dents et nous nous protégeons tant bien que mal du vent.
Et puis, encore les pierres et ce vent qui courbe les corps. Mais tout est magnifiquement beau.
Perdus dans l'immensité caillouteuse, nous semblons irréels, les chèches flottant dans les bourrasques. La houle du vent est la seule musique du désert. C'est la plus belle.
Nous avançons, yeux baissés et plissés pour éviter les poussières lorsque des tourbillons imprévisibles nous contraignent à stopper et à détourner la tête. A quelques centimètres du sol, c'est la danse du vent et des grains de sable qui s'amplifient pour former une spirale s'élevant dans l'air devenu irrespirable. Je m'amuse à déceler ces formations de tourbillon et mon chèche est le meilleur rempart pour lutter contre elles et me protéger de ce grand vent.
Le dernier bivouac. Paix sur cette nuit.
J'ai dit la tendresse et le silence. Je vois le désert.
Je le contemple longuement dans la clarté de la lune, blottie en moi, immobile en moi, éprise du désert, amoureuse du désert. Je m'endors au creux de lui.