Le lendemain, comme hier, sans fin … J'accueille la prière et la fraîcheur matinale comme une ode à la terre. Sidi verse de l'eau frémissante pour un thé à la menthe et je croque un morceau de galette tendre.
Les nuages accrochent toujours le ciel, les épousant pour mieux les confondre. Lella et Sidi ne me voient pas; ils progressent souplement, en grandes enjambées. Les chameaux avancent prudemment; ils ont mal aux pattes sur ce terrain déformé. Les kilomètres s'additionnent au fil des heures sur la monotonie lunaire et caillouteuse du terrain.
Un peu de sable et un petit acacia nous accueillent pour un autre bivouac avec le vent pour seul compagnon. Immuablement, les chameliers répètent les mêmes gestes pour installer la tente, faire le thé, préparer la soupe mauritanienne et les pâtes.
La nuit prend possession des éléments, nous encerclant et nous emprisonnant dans notre demeure de fortune. Je sens et j'entends le vent s'engouffrer sous la toile, la soulevant par intermittence et la faisant trembler avec force. Le piquet central tient bon malgré la violence des bourrasques, et une petite pluie nous fait rentrer précipitamment les provisions et les sacs. Les pierres, la pluie, le vent …
Mais rien ne m'inquiète puisque je suis hors du temps.
Je suis ce temps m'égarant dans la musique de la nuit.
Je suis une goutte de ce temps, m'évaporant au milieu de nulle part.
Je m'évanouis dans l'éternité, fuyant ce temps que je croyais maîtriser.
Je me promène dans le temps qui se meurt dans l'imparfait.
Je parle le langage du temps, indomptable et inconsistant.
J'essaie de percer les secrets du temps qui ne s'expliquent pas avec des mots savants.
Pourrai-je un jour aimer suffisamment le désert, celui qui demande l'abandon total de la notion de temps ?
J'entends le souffle du désert et celui du temps et je marche sur son silence.
Alors, je sens le temps, non pas comme une rumeur, mais comme un brise sur mes habits intérieurs.
Que dire de la journée suivante si ce n'est qu'elle est semblable à celle de la veille ?
Je veux croire à autre chose qu'à ce silence caillouteux mais je ne peux qu'avancer sur les traces sombres d'un ciel plombé d'une pluie menaçante qui reste en suspens.
Les chameaux n'apprécient pas ce terrain et le font comprendre. Sidi a la corde tendue au bout des bras et essaie de les orienter au mieux. Je voudrais accélérer l'allure pour sortir de cet enfer, mais il est impossible de demander d'autres efforts aux chameaux. Quelques maigres traces de végétation me font croire au miracle d'un changement de paysage, mais ce n'est qu'illusion.
… Aller au-delà de l'horizon pour voir, mais la ligne qui s'approche ne prédit rien de bon, car c'est la même démesure qui m'entoure. Les points cardinaux se ressemblent et seul le soleil qui perce me donne une heure approximative. Lelle me dit que nous arriverons bientôt au terme de cette marche pierreuse et difficile … sûrement demain … mais que nous ne pouvons faire autrement pour rallier El'Berbera en venant de Terjit. Personne ne s'aventure ici; c'est un circuit délaissé à cause de sa rudesse.
Enfin deux grosses dunes au loin me laissent penser que nous approchons du but. Ce sera notre troisième bivouac dans des conditions plus agréables.
Etre confronté à l'originel, et ne voir âme qui vive rend obligatoire les interrogations intérieures et l'uniformité du terrain annihile la notion de temps. Rituel du feu, du thé pour ponctuer le jour et la lune pour m'indiquer qu'il est l'heure d'aller dormir … même si les yeux refusent obstinément de se fermer. Je bavarde avec Lella tandis que Sidi chante Dieu. Nous avons dressé la tente et glissée dans mon duvet, j'écoute le vent avant de m'assoupir doucement dans le ventre de la nuit.
Les nuages accrochent toujours le ciel, les épousant pour mieux les confondre. Lella et Sidi ne me voient pas; ils progressent souplement, en grandes enjambées. Les chameaux avancent prudemment; ils ont mal aux pattes sur ce terrain déformé. Les kilomètres s'additionnent au fil des heures sur la monotonie lunaire et caillouteuse du terrain.
Un peu de sable et un petit acacia nous accueillent pour un autre bivouac avec le vent pour seul compagnon. Immuablement, les chameliers répètent les mêmes gestes pour installer la tente, faire le thé, préparer la soupe mauritanienne et les pâtes.
La nuit prend possession des éléments, nous encerclant et nous emprisonnant dans notre demeure de fortune. Je sens et j'entends le vent s'engouffrer sous la toile, la soulevant par intermittence et la faisant trembler avec force. Le piquet central tient bon malgré la violence des bourrasques, et une petite pluie nous fait rentrer précipitamment les provisions et les sacs. Les pierres, la pluie, le vent …
Mais rien ne m'inquiète puisque je suis hors du temps.
Je suis ce temps m'égarant dans la musique de la nuit.
Je suis une goutte de ce temps, m'évaporant au milieu de nulle part.
Je m'évanouis dans l'éternité, fuyant ce temps que je croyais maîtriser.
Je me promène dans le temps qui se meurt dans l'imparfait.
Je parle le langage du temps, indomptable et inconsistant.
J'essaie de percer les secrets du temps qui ne s'expliquent pas avec des mots savants.
Pourrai-je un jour aimer suffisamment le désert, celui qui demande l'abandon total de la notion de temps ?
J'entends le souffle du désert et celui du temps et je marche sur son silence.
Alors, je sens le temps, non pas comme une rumeur, mais comme un brise sur mes habits intérieurs.
Que dire de la journée suivante si ce n'est qu'elle est semblable à celle de la veille ?
Je veux croire à autre chose qu'à ce silence caillouteux mais je ne peux qu'avancer sur les traces sombres d'un ciel plombé d'une pluie menaçante qui reste en suspens.
Les chameaux n'apprécient pas ce terrain et le font comprendre. Sidi a la corde tendue au bout des bras et essaie de les orienter au mieux. Je voudrais accélérer l'allure pour sortir de cet enfer, mais il est impossible de demander d'autres efforts aux chameaux. Quelques maigres traces de végétation me font croire au miracle d'un changement de paysage, mais ce n'est qu'illusion.
… Aller au-delà de l'horizon pour voir, mais la ligne qui s'approche ne prédit rien de bon, car c'est la même démesure qui m'entoure. Les points cardinaux se ressemblent et seul le soleil qui perce me donne une heure approximative. Lelle me dit que nous arriverons bientôt au terme de cette marche pierreuse et difficile … sûrement demain … mais que nous ne pouvons faire autrement pour rallier El'Berbera en venant de Terjit. Personne ne s'aventure ici; c'est un circuit délaissé à cause de sa rudesse.
Enfin deux grosses dunes au loin me laissent penser que nous approchons du but. Ce sera notre troisième bivouac dans des conditions plus agréables.
Etre confronté à l'originel, et ne voir âme qui vive rend obligatoire les interrogations intérieures et l'uniformité du terrain annihile la notion de temps. Rituel du feu, du thé pour ponctuer le jour et la lune pour m'indiquer qu'il est l'heure d'aller dormir … même si les yeux refusent obstinément de se fermer. Je bavarde avec Lella tandis que Sidi chante Dieu. Nous avons dressé la tente et glissée dans mon duvet, j'écoute le vent avant de m'assoupir doucement dans le ventre de la nuit.